Vétérinaire et chasseur, une incohérence

Suite à l’article de Monsieur B.Droz du 22 février 2008 où j’ai été abondamment cité, j’aimerais donner quelques compléments.

Le vétérinaire se bat pour la santé des animaux.  Pour votre compagnon, il pourra utiliser tout un arsenal pour le diagnostic et le traitement. Il fera le maximum sans compter.
Quand il est responsable de la santé d’une espèce ou d’un groupe d’animaux, l’individu passe au second plan et il faut parfois prendre des décisions pénibles.

L’exemple ci-après illustre les effets d’un manque de gestion de la nature. Il ne faut pas oublier que le 30 % des renards sont porteurs d’échinocoque et 1,6 % de trichine,  deux maladies en progression, mortelles pour l’homme, sans parler de la rage.
La fin de votre article fait aussi penser que la nature n’est pas gérée par l’homme, c’est faux, vous connaissez entre autres, la gestion du chevreuil et du cerf qui se fait ici par les chasseurs pour les forestiers.

Ce n’est pas le cas à Genève, canton-ville, 21 fois plus petit que Berne avec 40 km2 de forêt (BE 1770km2), sans chasse depuis trente ans. La faune y est gérée comme le pompier gère le feu :

  • Après quelques années sans chasse les sangliers ont causé jusqu’à Fr 700’000.- de dégât par an (BE 60’000.-), les sangliers sont alors abattus en nombre de nuit par des fonctionnaires.
  • Les renards se multiplient jusqu’à ce que leur promiscuité permette le développement de la gale : une grande partie des renards périssent dans d’horribles souffrances.
  • Suite à la diminution du renard,  les lièvres prolifèrent surtout dans un biotope médiocre (45/km2), en contradiction avec l’étude partiale de la station fédérale d’ornithologie de Sempach, et font Fr 100’000.- de dégât en 1 année : Les lièvres sont capturés par des spécialistes pour peupler d’autres territoires de chasse.

La gestion existe donc, même pour le héron, sa population est stabilisée chez nous par des tirs annuels. Ceci diminue un peu la pression printanière des hérons sur les zones de ponte des batraciens.
Les reptiles et les passereaux de la liste rouge n’ont pas cette chance. Les corneilles et les pies sont de grandes pilleuses de nids. Même si chacune d’elles ne détruit  qu’une ou deux couvées par année, vous pouvez vous rendre compte du ravage.

La nature s’équilibre par excès, par la maladie ou la disparition de certaines espèces plus fragiles. Pendant toute son histoire, l’humanité a exterminé tous les « nuisibles » et provoqué la disparition de plusieurs espèces. Depuis cinquante ans, la gestion des prédateurs est mal vue ou interdite. Leur nombre met maintenant  en danger certaines espèces plus fragiles. Le lièvre a été choisi comme indicateur de la qualité du biotope par la station ornithologique de Sempach. L’exemple de Genève et celui de l’île de Bornholm montrent nettement que le biotope n’est plus le facteur limitatif.

J’espère que les mouvements écologiques dont vous parlez ouvriront les yeux avant que l’irréparable soit arrivé non seulement pour des espèces comme la gélinotte et le grand tétras, mais aussi pour des espèces plus modestes qui font la diversité de la nature.

La réintroduction de la perdrix dans le Seeland ( concept  perdrix grises ) n’a aucune chance sans, au minimum, une pression drastique sur les corneilles et les renards.

Dr Philippe Konrad, Vétérinaire

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