Qui est le méchant ?

En réponse de l’article du « Matin » du 2 juin 2012

C’est dans ce cadre bucolique aux biotopes divers que s’effondra Lio, petite chatte d’une année, sous les balles du chasseur. A quand une loi courageuse et efficace pour la biodiversité ?

La propriétaire de Lio avait choisi ce village en pleine campagne, distant d’un demi kilomètre du drame,  pour le bonheur de ses cinq chats. Comme la plupart des propriétaires de chats, c’est en toute innocence qu’elle laisse ses cinq chats « se promener » dans cette magnifique nature entretenue par une agriculture peu intensive.

Elle ne se doute pas que les chats ne se promènent pas. Ils chassent nuit et jour non pas pour se  nourrir mais par pur plaisir, sans se soucier des souffrances qu’ils entraînent.

A sa décharge, il faut remarquer que la plupart des défenseurs de la nature et des animaux ont imposé une omerta sur le nom de prédateur. Dans la grande presse, je n’ai compté que trois articles ces dernières années sur le sujet. Le premier  écrit est relaté  dans Le Matin : « le plus grand des prédateurs ». Les deux autres papiers ont été rédigés dans la NZZ (en allemand) : « un cas pour les chasseurs (sauver les derniers vanneaux huppés) » et « le méchant aux pattes de velours». Pourtant les dégâts sont évidents. Il suffit d’étudier les effets de la rage ou de la gale du renard sur l’île de Bornholm ou à Genève pour constater que des espèces en voie de disparition réapparaissent subitement et ce, en très peu de temps.

Le chat, aujourd’hui, bien soigné, vermifugé et vacciné, n’est plus décimé par la maladie. Une étude récente de la région de Bâle démontre que  le chat est le prédateur qui détruit le plus après les corneilles. Pour l’obtention de ces résultats, des leurres censés représentés des petits lièvres ont été utilisés.

Ce sujet est traité avec beaucoup d’hypocrisie. En effet, il est beaucoup plus facile de s’attaquer à  l’agriculture et aux chasseurs. L’exemple de la rareté de la chouette chevêche est caractéristique. Combien de fois peut-on lire « sauvons la chouette chevêche, plantons des arbres fruitiers hautes tiges » ? Si cette cause était réelle, le Jura et plus particulièrement l’Ajoie, compteraient de grandes populations de cette espèce. La vérité est plus cruelle : avant de voler correctement, les petites chevêches tombent au sol durant quelques jours où elles sont tuées par les prédateurs, en l’occurrence  par les chats et les renards.

Ce ne sont pas seulement les oiseaux qui périssent sous les griffes du chat. Les reptiles, les grands insectes et de nombreux mammifères en sont aussi les victimes. Parmi les mammifères, j’aimerais citer le prédateur spécifique de la souris : l’hermine. Sa raréfaction explique peut-être le fait que la population des campagnols ne faiblit pas malgré la pullulation des chats, des renards, des buses et autres milans.

Prendre la vie d’un animal comporte toujours un aspect cruel même si l’on essaie de procéder le plus humainement possible (cabinet vétérinaire, abattoir, chasse).

Il a fallu trois balles pour tuer Lio. Cela n’a duré que quelques minutes. Dans la nature, point d’empathie, la loi du plus fort est toute puissante. Dans la prédation, le loup, le grand corbeau et le chat illustrent l‘extrême cruauté de la nature .

Il est pour le moins étonnant de constater la différence de traitement par les autorités entre le chien et le chat. Les chats ainsi que leurs propriétaires ont tous les droits. Certains propriétaires lâchent un grand nombre de chats dans la nature sans se soucier de leurs méfaits et des endroits  de leur défécation. Les crottes de chat n’ont rien à envier aux crottes de chien ; il suffit d’en parler aux propriétaires de jardin… Elles sont d’ailleurs plus dangereuses pour l’homme puisqu’elles transmettent entre autres parasites la toxoplasmose directement ou plus fréquemment de manière indirecte (*). La moindre de leurs morsures, si bénigne soit-elle, contrairement à celle du chien, provoque presque toujours des infections (*).

Les autorités doivent agir. Le nombre de chats chassant dans la nature ne peut pas croître indéfiniment. Parmi les amis des chats, ce problème doit être pris au sérieux et la recherche de solutions s’impose .

Les astérisques (*) renvoient à de futurs compléments

Dr méd.-vét. Ph.Konrad, heureux propriétaire de deux chats et de deux chiens.

Chercher aussi par Google l’article du Temps : Le chat, ce tueur en série